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pietro lonoce 

Italie

« J'ai cru mourir avant de revoir des maillots rouges et blancs sur le terrain de Iacovone ».

Monsieur Enzo, 78 ans, quartier Borgo-Città Vecchia.

 

Tarente et Bari sont séparées par quatre-vingts kilomètres physiques et une interminable autoroute de distance humaine, sociale et économique.

Taranto-Bari a été pendant des années le derby incontesté des Pouilles. Une rivalité qui a transcendé le sport et conduit à des disputes politiques et culturelles. 

Ensuite, les deux villes, et leurs clubs sportifs respectifs, ont pris des chemins complètement différents. 

Bari est devenue une métropole du sud.

C'est une ville fonctionnelle avec des universités de pointe, des infrastructures, où vous pouvez même faire des affaires, de grandes entreprises ont créé de nouvelles succursales, il y a une qualité de vie élevée.

Tarente est Tarente. 

Une ville étrange. Rancunière, décadente, fascinante et effrayante. La ville de l'acier et aussi des couchers de soleil cinématographiques. Prolétariat et noblesse de rue.

Bari a joué dans les meilleures saisons de Serie A, a remporté une coupe Mitropa. Taranto n'a pas vu la cadetteria (terme italien pour la série B) depuis l'avant-dernier derby contre Bari, en 1993.

Le tout dernier derby s'est joué cette année. Après deux ans de pandémie et une promotion de Serie D que Taranto a remportée le dernier jour possible, contre Lavello, gagnant dans un affrontement de retour, marquant le troisième et dernier but à la dernière minute disponible.

Le stade Iacovone, pour le Taranto vs Bari, était plein comme jamais auparavant, même si l'équipe locale n'avait gagné qu'un seul match sur onze disputés en seconde période. 

Il y avait des visages sur les terrasses que vous n'aviez pas vus depuis des années. C'est aussi une différence par rapport à Bari : à Tarente, nous nous connaissons tous, nous désignons celle qui est assise là qui est allée étudier à Bologne et a trouvé un travail temporaire à Sasso Marconi, puis nous chuchotons vers l'autre qui l'a quittée ex qui était un flic ennuyeux et qui a tout de suite tabassé un mec de qualité de la banlieue...

Nous étions tous là.

Sans espoir de victoire, car Bari était trop fort pour Taranto ; orphelin de la présence des fans de Bari en raison d'un voyage à l'extérieur refusé et donc incapable d'évacuer ce nerf d'esprit de clocher par des insultes, des cris et de mauvaises manières en direction du secteur extérieur.

Au bout du compte, le résultat est collatéral.

Nous le savions, chacun de nous en était conscient. Nous n'avons pas payé le billet car il y avait une signification purement sportive. 

Taranto - Bari qui s'est produit le samedi saint, 16 avril 2022, a été une réappropriation de la mémoire collective pour toute la ville ionienne.

Pour ceux qui ont vu Iacovone marquer dans un lob dans les années 70, pour ceux qui ont entendu l'histoire de la procession des Tarantines dans les rues de la capitale de Bari alors qu'elle n'était pas encore née : Taranto-Bari était une déclaration de foi.

À la fin du match, le score de 0-0 indiquait qu'il s'agissait du 14e match nul en 46 matches joués entre les deux équipes. Un beau coucher de soleil glisse sur le stade Iacovone. Violet, orange, jaune. 

On dirait les couleurs d'un dieu mineur qui brosse à volonté une grande toile vierge, histoire de divertir les convives. 

Texte par : @lorenzomondredi

Photo par : @pietrolonoce

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